C’est quoi le Geste Professionnel ?

Faire la différence entre un mouvement, une action, et un geste, c'est pas si compliqué ! On vous explique tout

Cognivance

7/29/20257 min read

Du « petit mouvement » au grand sens : (re)voir le Geste Professionnel

Vous voyez Pierre, soudeur aguerri, poser sa torche comme on dévisserait un bocal — avec un mélange de force, de finesse et cette micro-pause qui dit « là, c’est bon ». À l’autre bout du bâtiment, Sophie, comptable, arrête son curseur juste avant de valider une écriture : elle rechecke mentalement le libellé, projette l’audit de fin d’année, écoute presque le “clic” que fera l’expert-comptable. Deux métiers, deux univers… et le même objet invisible : le geste professionnel.

Pourquoi parler de gestes en 2025 ?

Que celui qui ne se noie pas sous les procédures, les logiciels et les check-lists aujourd’hui nous jette la première pierre. En 2025 on mesure les délais, les taux de rebut ou le nombre d’écritures corrigées… mais de plus en plus rarement comment on fait les choses. Et pourtant, c’est bien là que se logent la qualité, la sécurité, la fiabilité et… le plaisir du travail bien fait.

Toujours pas convaincus ? Ok, creusons.

Le geste professionnel n’est pas qu’un mouvement. Il peut s’agir d’une action physique, comme d’une action purement intellectuelle. Il est le concentré d’une intention, d’un contexte, de contraintes et de savoirs incorporés. Quand on le rend visible et compréhensible, on ouvre la porte à la formation qui a du sens, à la prévention des TMS, à l’amélioration continue qui n’oublie pas l’humain, et à des contrôles comptables plus fiables sans rajouter dix colonnes Excel.

Un doute subsiste ? Posez vous simplement cette question :

Dans mon entreprise, si une personne très expérimentée part, qu’est-ce-qui manquerait le plus : une procédure, ou “le pourquoi et le comment” elle fait son travail ?

Ce qui est donné de voir à l'œil n'est pas toujours la partie la plus intéressante d'une compétence !

Geste « technique » vs geste « professionnel » : deux faces d’une même pièce

Déjà deux notions différentes ? Pas de panique, c’est plus simple qu’il n’y paraît. Pour simplifier, l’un contient l’autre :

  • Le geste technique décrit les dimensions de l’action (motrice, sensorielle, cognitive, physiologique, spatiale, temporelle, instrumentale, sociale/organisationnelle, économique/psychique…).
    C’est la loupe qui permet de décortiquer et comprendre ce que fait le corps, les sens, la tête et le collectif.

  • Le geste professionnel insiste sur ses caractères : moteur, fonctionnel, structurant…
    C’est le scénario qui raconte l’histoire, le but et le contexte derrière l’action.

Retenez l’image : le geste technique, c’est le « comment ça marche » ; le geste professionnel, c’est le « pourquoi et pour qui je fais ça ». L’un sans l’autre, c’est comme régler une machine sans savoir à quoi elle sert. Pas super utile, non ?

Une définition simple à garder en tête :

Un geste, c’est donc visible (le mouvement), invisible (l’intention) et situés (les contraintes réelles). Tant que vous n’avez pas les trois, vous n’avez pas vraiment le geste.

Et comprendre ça, c’est déjà faire plus de 50% de la route !

Le tryptique à mémoriser pour comprendre un geste professionnel

Transmettre un geste : bien plus que « fais comme moi »

Historiquement, on a deux grandes écoles :

  • Physiologique : orientée performance et santé (postures, répétition, ergonomie).

  • Anthropologique / didactique professionnelle : orientée sens, adaptation, conceptualisation dans l’action.

Dans la réalité, il faut combiner imitation, explication, et expérimentation.

Quelques principes concrets :

  1. Adapter au niveau : au débutant, on montre le mouvement ; au confirmé, on explique la logique et les pièges.

  2. Multiplier les médiations : vidéos, simulation, réalité augmentée, verbalisation pendant l’action, entretien d’explicitation après coup.

  3. S’appuyer sur le collectif : pairs, forums internes, analyses de pratiques. La transmission n’est pas qu’une affaire de maître–apprenti.

Exemple : quand Lucas, nouvel apprenti soudeur, a raté trois fois le même cordon, son chef d’équipe Marc ne lui a pas seulement « re-montré » le geste. Il a sorti une vidéo au ralenti, a fait bouger la torche de Lucas sans allumer la flamme pour qu’il sente la trajectoire, puis lui a demandé de décrire ce qu’il surveillait dans le bain de fusion. Trois angles d’attaque, un déclic.

Passer à l’action : savoir repérer et tracer les caractères et dimensions du geste

On l’a vu ensemble, le Geste Professionnel est défini par plusieurs caractères. Imaginez que vous deviez rédiger un roman : de la même manière qu’il vous faudrait un protagoniste, des lieux, une intrigue, … pour décortiquer un Geste Professionnel vous devez savoir repérer plusieurs items !

Supposons que vous ayez décidé qu’il était temps de mieux maîtriser les compétences qui composent votre entreprise (bravo !) et que vous souhaitez construire une grille de lecture pour celles-ci afin de repérer les Geste Pro.

Nous avons créé pour vous les éléments importants de votre grille. Pour chaque item, on vous propose (avec double exemple) :

  • une définition express,

  • une question à poser concrètement.

La Finalité du Geste Pro (finalisé)

  • Définition : orienté vers un but réel, pas juste la tâche prescrite.

  • Exemple industriel : je serre le couple « juste ce qu’il faut » pour éviter la casse plus tard.

  • Exemple compta : je regroupe certains frais pour que l’audit trace la logique du budget, pas parce que le plan comptable l’impose.

  • Question : « Quel problème réel je résous avec ce geste ? »

Sa Situation (situé)

  • Définition : inséré dans un contexte matériel, social, temporel précis.

  • Industrie : en maintenance, l’accès réduit oblige à inventer une prise différente.

  • Compta : fin de mois, la pression des délais change l’ordre des vérifications.

  • Question : « Quelles contraintes autour modifient ma façon de faire ? »

Son Évolution (évolutif)

  • Définition : le geste se transforme avec l’expérience, les outils, les règles.

  • Industrie : nouvelle visseuse = autre façon de sentir le couple.

  • Compta : nouvel ERP = nouveaux réflexes de contrôle.

  • Question : « Qu’est-ce qui a changé dans ma façon de faire depuis 6 mois ? »

Sa composition technique (composite)

  • Définition : mêle actions motrices, signes, régulations cognitives et émotionnelles.

  • Industrie : ajuster la flamme tout en parlant au collègue, surveiller l’écran et écouter la vibration.

  • Compta : pointer une anomalie tout en répondant au téléphone et en surveillant l’échéance.

  • Question : « Quels “micro-gestes" invisibles composent mon geste ? »

Sa logique de fonctionnement (Moteur, fonctionnel, structurant)

  • Moteur : le mouvement corporel, la biomécanique.

  • Fonctionnel : comment le geste répond à la fonction (tenir, viser, vérifier, communiquer…).

  • Structurant : comment l’expérience organise l’action (schèmes, invariants opératoires).

  • Question : « Si je devais l’enseigner, je commencerais par quoi ? Le mouvement, le pourquoi, ou la logique d’ensemble ? »

Un outil n’est pas neutre. Il devient instrument quand il est « dompté » par l’action : c’est ce que l’on appelle la genèse instrumentale.

Tournevis, ERP, gabarit de soudure, macros Excel… Chaque outil modèle le geste et inversement. Plus l’outil est spécialisé et autonome, plus on gagne en efficacité… mais on perd parfois en marge de manœuvre.

À méditer quand vous concevez une procédure ou que vous choisissez un logiciel : est-ce que l’outil colle au geste réel ?

Et les outils dans tout ça ? Une histoire d’amour (ou de malentendu)

Aller plus loin : boîte à outils pour les managers

Vous vous sentez l’âme d’un aventurier mais votre sac de randonnée est encore un peu trop léger ? Voici ce que considère toujours Indiana Jones avant d’être embarqué dans une nouvelle aventure (si ses aventures étaient de tracer des Gestes Professionnels) :

2.Indicateurs simples (et humains) :

1.La check-list d'analyse :

3.Ritualiser la visibilité du geste

Et le numérique dans tout ça ?

  • « 5 minutes geste » en briefing quotidien : chacun partage une astuce gestuelle.

  • Post-it « ce que je ne dis jamais quand je fais ça » sur le tableau d’équipe.

  • Revues vidéo croisées, ou captures d’écran commentées.

  • Écarts entre gestes prescrits et réels (observations, vidéos, entretiens).

  • Taux de retouches / corrections (pièces reprises, écritures corrigées).

  • Feedbacks de fatigue, de sens perdu, de fierté retrouvée.

  • Nombre d’idées d’amélioration issues du terrain (preuve que le geste est pensé).

Réalité augmentée pour visualiser la trajectoire idéale, capture de mouvement, microlearning, simulations 3D, forums internes… Oui, le digital peut aider à montrer l’invisible. À une condition : ne pas écraser la singularité et la situation. Une vidéo tutorielle n’explique pas les vibrations particulières d’une machine fatiguée, un tutoriel ERP ne reproduit pas la pression d’un clôture trimestrielle.

-> Utilisez le numérique comme une loupe, pas comme un moule.

Conclusion : rendre visible, partager, respecter

Le geste professionnel, c’est l’âme du métier en mouvement. Le rendre visible, c’est :

  • Valoriser l’intelligence incorporée des opérateurs et des gestionnaires.

  • Améliorer la qualité sans “fliquer”, la sécurité sans infantiliser.

  • Transmettre autrement que par des PowerPoint oubliés.

Alors, la prochaine fois que vous voyez un collègue « faire un truc à sa façon », au lieu de dire « fais comme dans la procédure », demandez lui : « Tu peux me montrer comment toi tu fais ? Et me dire ce que tu regardes, ce que tu sens, à quoi tu fais attention ? »

Il y a fort à parier que derrière ce petit mouvement, vous découvrirez un grand sens.

Fin… mais seulement sur le papier. Sur le terrain, ça commence maintenant.